Cher Rotary,
J’espère que vous vous portez bien et que l’arrivée du printemps est synonyme de jovialité dans vos vies.
Je m’excuse pour le retard de la lettre ; le mois de mars était très chargé, et j’ai également pris du retard dans l’écriture de mon journal de bord.J’arrive vraiment à un point de l’échange où chaque week-end est rempli d’activités, et j’ai plus à raconter que de temps pour les raconter.
Ce mois-ci, j’ai fêté mes 18 ans, avec mes copains et également avec le Rotary. Le président du club avait réservé une grande table au club de pêche, et nous avions profité d’un bon repas. Nous avons aussi fait du bateau avec un ami de Gabriel (père d’accueil) ; ce monsieur nous a également invités dans son île pour la semaine sainte. Nous avons donc passé 4 jours sur une île à deux heures de Carthagène dans les Caraïbes. C’était joli, paisible et coupé du monde. Nous mangions bien, allions à la pêche, faisions du kayak, et justement un après-midi, m’ennuyant à écouter les discussions interminables des adultes, parti avec un des employés (qui a un an de plus que moi) faire un tour. Il me guida en kayak jusqu’à une île pauvre ; on aurait dit un bidonville flottant. Il connaissait et voulait me montrer. Nous sommes arrivés dans une petite échoppe vendant tout type de poissons, il m’a montré le bassin rempli de poissons d’élevage et me fit remarquer qu’au fond demeuraient des requins. Je fus super surpris mais à la fois intrigué. Pris de curiosité, je posai quelques questions au propriétaire. Il m’assura que les requins étaient inoffensifs et m’invita donc à sauter dans l’eau. Pris de naïveté et de peur, je doutais, mais comme derrière chaque peur il y a un désir, je décidai d’y succomber. Je me suis donc jeté à l’eau, laissant entre les mains du commerçant ma vie et la conscience qui va avec. Étonnamment, le requin ne m’attaqua pas ; il resta stoïque à quelques mètres de moi. À ce moment, j’réalisai que s’il m’avait voulu, rien ne l’en aurait empêché. Ma peur s’est dissipée et je me suis dirigé vers lui pour le toucher. En remontant à la surface, Juan Fernando me dit qu’il était temps de rentrer, et c’est ainsi que je quittai cette île, tout excité des évènements que je n’avais pas vu venir.
À mon retour de vacances, j’ai repris le rythme scolaire. Comme vous me l’avez demandé, je vais vous raconter plus en détail mon quotidien. Quand le réveil sonne à 5:45, j’ai 25 minutes pour me préparer des œufs et une arepa, les manger et me préparer avant que le bus scolaire passe me chercher à 6h10. Les trajets pendulaires sont toujours aussi longs que dans la première famille. J’habite moins loin, mais le bus s’arrête un bon nombre de fois pour récupérer des élèves. Il n’y a pas de camarades de mon âge dans le bus, alors je profite de ces 2 heures par jour pour lire. Je lis en espagnol, à hauteur de 50 pages par jour, soit 250 pages par semaine, ce qui me permet de consommer peu à peu la bibliothèque de mon père d’accueil et de travailler l’espagnol en revoyant des mots que j’aurais pu oublier. Malheureusement pour mon espagnol, en Colombie ou du moins dans mon établissement scolaire, nous n’écrivons pas beaucoup. Je n’ai donc jamais fait de rédaction en espagnol, pour autant ma mère d’accueil continue à me dicter le journal, je dirais 4 fois par semaine.
À l’école, ça se passe bien. J’ai plein d’amis, je suis les cours, les profs m’apprécient, voilà quoi. J’ai tout de même un traitement distinct en termes d’exigence et de charge de travail, du fait que je n’ai pas été inscrit au “bac colombien”, qui a lieu ce dimanche. La semaine dernière, le lycée a organisé un week-end de prom, au cours duquel nous sommes allés dans un parc aquatique, avons dormi une nuit dans une salle de classe et une autre dans un hôtel, sans oublier les activités avec des coachs gourou à l’américaine.
Ce week-end nous a permis de créer plein de bons souvenirs, notamment la baignade dans la mer à 2h du matin, qui pour moi était un moment magique. À cause du manque de sommeil collectif qui nous rendait inaptes à travailler, ils nous donnèrent un jour de repos. Nous avons en conséquent profité de cette journée pour squatter la piscine de Juan Diego. En dehors de ça, je me permets de vous partager le fait que je suis définitivement devenu célèbre. Après être passé à la télévision pour avoir participé (et perdu) à un tournoi d’échecs en début d’année, j’ai réitéré l’exploit en étant publié dans le journal local pour avoir été invité à un cocktail d’inauguration d’une usine de bateaux.
Comme vous l’auriez compris, je n’ai pas tout le mérite, mais j’ai tout de même apprécié l’évènement, serrer des mains et manger les petits fours. Trêve de mondanités, je trouvais intéressant de participer à l’inauguration de cette usine, d’écouter les beaux discours, et sans oublier le passage du prêtre qui nous invitait à prier pour le succès de l’entreprise. Je ne voudrais pas vous prendre plus de temps, mais sachez que je vais bien, que je suis content là où je suis, que de belles choses vont encore arriver, comme le mariage de mon frère d’accueil et le plus important, la soirée de dimanche prochain pour fêter l’accomplissement du bac, que comme je vous l’ai déjà dit, je ne vais pas faire.
Je vous souhaite un excellent week-end,
j’attends avec impatience de partager de nouvelles aventures avec vous, amicalement,
Lazare